Femme française lisant un livre dans une bibliothèque élégante

Étude des figures rhétoriques dans la littérature française

6 décembre 2025

Victor Hugo ne se contente pas d’écrire, il martèle. Dans Les Misérables, chaque anaphore résonne comme une déclaration, tandis que La Fontaine glisse l’ironie dans ses fables avec une précision chirurgicale. L’hyperbole, pour certains critiques, frôle la démesure. D’autres y voient la source même de la puissance expressive. Les figures rhétoriques, loin d’être de simples ornements, traversent les siècles, jouent avec le sens, déplacent les frontières du langage.

Oscillant entre invention libre et codification rigoureuse, leur usage varie d’un genre littéraire à l’autre, d’une époque à la suivante. Leur présence influence non seulement la façon dont les œuvres sont reçues, mais aussi la manière dont on les comprend, les interprète, les ressent.

Pourquoi les figures rhétoriques occupent une place centrale dans la littérature française

La figure de style n’est jamais là par hasard. En s’écartant de l’usage courant de la langue, elle confère au discours une intensité nouvelle, une force d’évocation, parfois même une pointe d’ironie cinglante. En France, écrivains et poètes ont sans relâche puisé dans cet arsenal pour façonner la langue, inventer des images saisissantes, traduire des émotions complexes. Victor Hugo, Charles Baudelaire, Corneille ou encore Jean Racine s’en sont emparés pour créer, mais aussi pour bousculer les règles établies.

Une figure de style révèle ce qui demeure caché, interroge le lecteur, sème la surprise ou la réflexion. Elle impose un rythme, joue sur les multiples sens du mot, offre à la langue française une souplesse rare. Métaphores, anaphores, oxymores ou litotes dépassent la simple technique d’école. Leur utilisation façonne la matière du texte, guide la lecture, interpelle sans relâche.

À travers l’histoire littéraire française, la rhétorique s’inscrit à la rencontre du style et de la pensée. Sous la plume des classiques, elle sert la clarté et la logique. Chez les romantiques, elle libère la voix de l’individu. Aujourd’hui, une analyse fine des figures de style révèle à la fois l’ancrage du texte dans une lignée et sa capacité à s’en affranchir.

Quelles sont les grandes familles de figures de style et comment les reconnaître ?

Pour mieux saisir la construction des textes littéraires, il est utile de regrouper les figures de style en grandes familles, selon la manière dont elles agissent sur le sens ou la forme. Voici les principales catégories qui rythment la littérature française et permettent d’identifier les procédés à l’œuvre :

  • Analogie : métaphore, comparaison, allégorie, personnification. Ces figures rapprochent des éléments éloignés pour générer une image, incarner une idée ou donner vie à l’abstrait. La métaphore procède sans outil comparatif, la comparaison en utilise un, l’allégorie rend concret ce qui ne l’est pas, et la personnification prête des traits humains à ce qui n’en a pas.
  • Substitution : métonymie, synecdoque, périphrase, antonomase. Ici, un mot en remplace un autre afin de renforcer le message ou d’éviter une désignation directe. La métonymie utilise le contenant pour parler du contenu, la synecdoque joue avec le tout et la partie, la périphrase multiplie les détours, l’antonomase fait d’un nom propre un nom commun.
  • Opposition : antithèse, oxymore, chiasme, antiphrase. Ici, la langue met en scène des contrastes. L’antithèse oppose deux idées, l’oxymore associe deux termes contraires, le chiasme croise les éléments, l’antiphrase dit le contraire de ce qu’elle pense.
  • Amplification et atténuation : hyperbole, accumulation, gradation pour l’amplification ; euphémisme et litote pour l’atténuation. Ces figures font monter la tension ou, au contraire, l’adoucissent, nuançant ainsi l’expression.
  • Répétition et construction : anaphore, parallélisme. Elles jouent sur la structure de la phrase, installent un rythme, une harmonie, et donnent au texte son souffle. La répétition porte le sens, la construction crée la musique du texte.

Reconnaître ces familles, c’est comprendre comment les mots interagissent, comment les idées s’articulent, comment la forme et le fond se répondent. Chaque figure s’inscrit dans un dialogue permanent avec les autres, empruntant à la tradition tout en affirmant la singularité de chaque auteur.

Explorer quelques figures emblématiques à travers des exemples marquants

Si l’on parcourt la littérature française, certaines figures rhétoriques dominent et marquent la mémoire. C’est grâce à elles que le texte prend de l’ampleur, insuffle énergie ou distille une pointe d’ironie, que ce soit en poésie, au théâtre ou dans le roman.

Dans la famille de l’analogie, la métaphore et la comparaison s’imposent en maîtresses du jeu. La métaphore, qui rapproche sans le dire, irrigue les vers de Victor Hugo ou ceux de Baudelaire. Employer « il pleut des cordes » fait surgir une image saisissante, tandis que « Il est haut comme trois pommes » met en œuvre la comparaison, plus explicite, plus directe.

La substitution déplace subtilement le sens. Dire « boire un verre » relève de la métonymie, puisqu’on parle du contenant pour désigner le contenu. La synecdoque, elle, choisit entre la partie et le tout, comme dans « respecter les cheveux blancs » pour évoquer le respect envers les aînés. La périphrase, quant à elle, préfère la rondeur de la circonlocution : « la Ville Lumière » pour Paris, par exemple.

Quand il s’agit de répétition et d’amplification, le texte gagne en intensité. L’anaphore, spectaculaire chez Victor Hugo dans « Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! », imprime une cadence inoubliable. L’hyperbole exagère, l’accumulation énumère jusqu’à saturation, comme dans « Adieu, veau, vache, cochon, couvée. » Les figures d’opposition, oxymore, antithèse, antiphrase, renversent la logique des mots, à la manière de Corneille : « Cette obscure clarté qui tombe des étoiles. »

Ce foisonnement de procédés illustre la richesse de la littérature française. Chacun d’eux façonne la structure du texte, donne naissance à des styles reconnaissables, affirme le talent et la vision de l’auteur.

Jeune homme écrivant des citations sur un tableau noir en classe

Vers une lecture plus riche : s’initier à l’analyse et à l’interprétation des figures de style

Analyser une figure de style dans un texte littéraire, c’est ouvrir la porte à une compréhension renouvelée. Chaque procédé, qu’il s’agisse d’analogie inventive ou d’amplification puissante, travaille la langue pour faire ressentir, percevoir ou penser autrement. Les œuvres de Victor Hugo, Corneille ou Baudelaire s’appuient sur cette pluralité, offrant ainsi plusieurs couches d’interprétation. La métaphore densifie le propos, la répétition installe le rythme, la synecdoque résume un monde en un détail.

Approfondir l’analyse stylistique permet de mieux cerner la stratégie de l’auteur, la posture du personnage, la tension dramatique d’un dialogue. Par exemple, repérer une antithèse chez Racine ou une anaphore dans un texte de Victor Hugo éclaire la logique argumentative, la construction de l’émotion, ou le jeu subtil des forces en action.

S’approprier ces procédés, c’est aussi s’exercer à rester attentif au contexte, aux nuances de la langue, à la portée du discours. Dans le cadre universitaire, la figure devient à la fois outil d’analyse et objet de réflexion sur les pouvoirs du langage. Les travaux de chercheurs comme Marc Bonhomme encouragent à articuler lecture attentive et examen stylistique, afin de mieux relier la forme et le sens.

Pour aborder concrètement cette analyse, voici quelques étapes à suivre :

  • Repérez la figure dominante dans un passage choisi.
  • Interrogez sa fonction dans l’évolution du texte.
  • Mettez-la en relation avec la démarche de l’auteur ou celle d’un courant littéraire particulier.

Maîtriser la lecture des figures de style, c’est aiguiser son regard sur la littérature française et découvrir, sous la surface, tout ce que le langage peut porter de force, de subtilité et de surprises. Rien n’est plus vivant qu’un texte qui joue avec ses propres codes.

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